On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



dimanche

Runes : novembre 1994


Le combat millénaire de la Normandie une véritable nation en lutte pour ses libertés et son identité

C'est sans hésiter que j'emploie le terme « Nation » à propos de la Normandie. Il y a cela plusieurs raisons.

La première, c'est qu'en dépit de la regrettable confusion créée par l'expression « État-Nation » consacrée en langue française – la nature de la Nation et celle de l'État sont différentes – je préfère, personnellement, la forme anglaise Nation-State, ou Nation-État, qui me paraît à la fois plus proche de la réalité et prêter moins à confusion.
C'est la Nation, société civile globale « parfaite » en sa complexité, qui est première. L'État, superstructure politique est second et de caractère subsidiaire.
La preuve en est que, si les deux concepts sont distincts, celui de Nation est dissociable de l'État alors que l'inverse ne l'est pas. On a vu et l'on voit toujours des Nations exister sans État ou écartelées entre plusieurs États : Israël, l'Irlande, la Pologne, la Nation basque, la Nation kurde pour ne citer que quelques exemples pris au hasard. Par contre, on ne connaît pas d'État sans le substrat d'une ou plusieurs Nations, à l'exception peut-être des États-Unis d'Amérique.

La seconde raison, particulière à la Normandie, c'est que son caractère de Nation distincte lui a toujours été reconnu et l'est toujours jusqu'à nos jours
[…]
Le sentiment de la spécificité Normande n'a pas disparu malgré le régime colonial interne institué au profit de Paris par la république française. Parti d'un mouvement qui affectait toutes les provinces de France – le régionalisme – ce sentiment national Normand s'affirma avec éclat dans le sillage du mouvement romantique d'une part et dans la contestation de l'État jacobin par un homme comme Arcisse de Caumont et les membres de l'Association Normande qu'il créa. Caumont est le premier sans doute à avoir compris le lien entre la réforme de l'État issu de la révolution et la restauration de ces Nations que sont les grandes provinces historiques. Il dépassait une réaction romantique quelque peu échevelée pour l'encadrer dans un projet politique et administratif radical. Caumont a également plus que pressenti le lien entre l'union de l'Europe, la réforme de l'État et la restauration des provinces historiques.

Le caractère de Nation de la Normandie éclate aux yeux de tous, Normands, concitoyens français et nombreux étrangers venus des pays Scandinaves, anglo-saxons et d'Italie du sud lors de l'extraordinaire Millénaire de la Normandie célébré avec un exceptionnel sens de la grandeur en 1911.

Enfin, la spécificité Normande est reconnue dans les temps modernes et de nos jours encore par les hommes politiques et des observateurs qui font autorité.
Dans les années 1950, d'abord André Siegfried, maître ès-sciences politiques et humaines incontesté, vaste esprit embrassant du regard la totalité du monde, qui donnait le 4 février 1955 à Rouen, à l'Association des Études Normandes une remarquable conférence sur la « Psychologie du Normand ».
Ensuite, Jean Dantain publia, toujours dans les Études, Normandes (4ème trimestre 1954) une étude sur « La mentalité Normande et les influences Nordiques ».
[…]
Enfin, en 1981, deux anthropologues, Hervé Le Bras et Emmanuel Todd notaient dans « L'invention de la France » de nombreux caractères spécifiques de la Normandie... « Cette province, très proche des régions de plus dense peuplement celte, fut cependant colonisée tardivement par des Scandinaves, par des Normands dont Marc Bloch avait bien senti qu'ils n'étaient pas simplement une poignée de chefs, mais une communauté complexe et complète, incluant un grand nombre de paysans, capable de coloniser en profondeur une partie du territoire occupé. »

C'est Léopold Sedar Senghor, champion de la négritude et de la francophonie qui, en 1983 définit la « Normandité » comme un lyrisme lucide. Admirable définition de nos âmes de glace et de feu. Saluons la sûreté d'intuition de l'Africain enraciné dans sa culture et la finesse de l'analyse d'un grand lettré.
Paul-René ROUSSEL
L'Europe, La Nation Normande et la France
éditions de l'Esnèque, mai 1988

En marge de l'armada

Prétendre que le « pin's » soit une œuvre d'art n'est pas un sentiment que nous connaissons. Mais que l'affaire soit génératrice de main d’œuvre, fut-elle temporaire, nous effleure par les temps d'exception sociale qui courent... Nous nous expliquons d'autant plus mal que la réalisation et le bénéfice de l'affiquet officiel de l'Armada de la Liberté soient allé à une entreprise répondant au doux nom de Normandy, et située à.. Brest ! (En Bretagne)

Ma doué! Qui aurait cru que le cinquantenaire n'était qu'une affaire de grands et petits Bretons...

Betterave


Pour la première fois depuis 1066, une invasion française en Angleterre est en passe de réussir.

C'est en ces termes emphatiques que la régie Renault « n'a pas fini de nous étonner » ! Et ce en un tiers de page dans « l'Équipe » du 28 juin 1994, s'il vous plaît...
Pour être étonnés, nous sommes étonnés...
Mais il ne s'agit, en fait, que des progressions des ventes automobiles de la régie en Grande Bretagne, et non pas de menées belliqueuses. Et malgré la reproduction de la Tapisserie de Bayeux, point d'autre mention des usines Normandes, encore moins de leurs sous-traitants qui, crise oblige, voient leurs carnets de commandes corrigés à la baisse...




Armada 1994

Parce que le dévouement à une cause est d'abord un engagement personnel, nous tenons à remercier :

Marie Hélène BARBARAY, Éric BARRÉ, Romain BLANQUET, Jean-François BOLLENS, Mary-Guyvlyn BOLLENS, Pierre BOURDON, Thomas COURTIER, Dominique DELAPIERRE, Françoise FLORANT, Marc-Antoine GOOSSENS, Pierre HENSEL, Erwann de JORNA, Martial LECHALIER, Gilles LEFEVRE, Michèle LE FLEM, Emmanuel MAUGER, Didier PATTE, Eric PATTE, Stéphane REBEVIL, Yann SANIER, Andrée SIMON, William SIMON, Eric VALIN, Lambert VARY,

pour leur participation militante à la réussite du stand de I'Armada. Ils n'ont compté ni les heures, ni la chaleur, ni la fatigue ; ils ont pris sur leur temps de vacances pour montrer qu'au-delà de la fête existait une volonté Normande qu'il convenait de représenter. Ils l'ont fait dignement, avec bonne humeur, les deux cents contacts et l'amortissement des frais engagés par le Mouvement Normand prouvent que le public, souvent surpris de nous rencontrer sur les quais, a été sensible à notre démarche régionaliste.

Saint Michel et la Normandie

Le 29 septembre c'est la fête de tous les Normands et celle de leur saint patron : saint Michel. C'est à l'archange, chef des légions célestes qu'a été consacré le Mont Saint Michel et son abbaye au péril de la mer, merveille de l'occident, haut lieu de la religion celte puis chrétienne de notre région.
Cette date est fortement ancrée dans la tradition du peuple Normand, ainsi c'est à la Saint Michel que, par exemple, se payaient baux et fermages.

C'est aussi à cette date que notre duc Guillaume a mis pied en Angleterre en 1066.

Saint Michel a son correspondant dans les panthéons grec avec Apollon, celtique avec Bélénos et Scandinave avec Balder. II est le symbole de la lumière et de l'éternelle jeunesse, symbole du soleil, astre renaissant jour après jour, printemps après printemps depuis la nuit des temps.
B. Mauger

Étudiant Normand

L'étudiant Normand d'aujourd'hui est le représentant de l'élite intellectuelle provinciale de demain. Cependant ce rôle avec tous les avantages qu'il confère ne doit, pas faire oublier les devoirs qui l’accompagnent
En tant qu'élite régionale nous avons à donner l'exemple pour les habitants de notre région. Nous sommes tous et toutes dans des facultés ou dans de hautes écoles à apprendre les connaissances spécifiques du domaine où nous devrons exercer notre métier. Ces connaissances, bien que hautement qualifiantes, ne nous apprennent pas à être des cadres régionaux. Or, nous voulons vivre, étudier et travailler en Normandie. Notre devoir c'est de nous rappeler que nous serons les cadres de notre région et de rassembler tous les membres de la Nation Normande, sans distinction de classe sociale ou politique. Pour cela, il nous faut nous instruire de l'histoire et de la culture Normande, chercher à maintenir nos traditions, véritable ciment moral de notre société. La culture est le lien à jeter par dessus tous les obstacles artificiels que l’on veut nous imposer. Avant de nous affaiblir dans tous les clivages sociaux ou politiques, nous devons penser Normand avant tout.

Notre devoir, c'est de nous lancer dans la formidable aventure qu'est la découverte de notre passé pour mieux préparer notre avenir. Aventure, puisque notre culture revêt d'innombrables aspects qu'il faut retrouver et faire évoluer parce qu'une culture vivante c'est une culture qui est en perpétuelle évolution.

Notre devoir, après avoir redécouvert nos racines c'est de les vivre au quotidien en réintroduisant les rites et les usages qu'elles nous enseignent et de les faire connaître autour de nous pour que renaisse notre culture. Nous devons être le phare de notre culture en tant qu'élite intellectuelle responsable.

Notre devoir, c'est de relancer l'évolution de notre culture millénaire pour qu'elle puisse servir de guide à notre peuple pendant encore mille ans.

Notre devoir, c'est d'être fier de l'extraordinaire richesse de notre patrimoine et du génie particulier du peuple Normand. Renier tous ces particularismes serait un véritable crime contre les Normands et l'humanité. Ce serait une perte pour toutes les cultures de la Terre. Comment pourrait-on renier ou oublier tout le labeur de nos ancêtres, toutes ces larmes et ces rires, ces peines et ces joies, ces efforts et ce sang versés pour que nous vivions comme nous le faisons. Oublier serait trahir.

Notre devoir est de nous souvenir et de continuer dans la voie que nos anciens ont ouverte. Déjà s'ouvre un avenir moins morose, plus humain, encore un effort et il sera notre...

Courage, étudiant Normand, soit fort et fier de ton peuple pour ton peuple, il te répond et compte sur toi.
B. Mauger

La séduction de l’art

Le chevalier blanc des plumitifs sans talent vient de renouveler ses exploits en engageant la très cosmopolite Alexandra MIDAL comme responsable du Fond Régional d'Aide à la Création (FRAC).
Le docteur Fouché Saillenfest, du Conseil Régional de « haute » Normandie, avait découvert que la région investissait par le FRAC dans des œuvres qui ne valaient que le prix de l'estime mais étaient réglées comme s'il s'était agi de créations incontournables.
À la lecture de « La Région » de septembre 1994, nous découvrons que, pour corriger les agissements de la précédente équipe, notre nouvelle inspiratrice se propose de continuer la même politique et pour « présenter vraiment ce qui est fait dans la région » d’inviter des artistes venant d'ailleurs – y compris de l'étranger ».
Comme ses goûts vont à Gary Cooper, MC Solar ou Humpty Dumpty nous ne doutons pas que l’art contemporain restera quelque chose de très « régional » voir même, pourquoi pas, folklorique.

La Normandie exploitée

Trop souvent on reproche au militant régionaliste de tenir des propos excessifs, quand ils ne sont pas jugés extrémistes, pour dénoncer la mise ne coupe réglée dont il s'estime victime.
Trop souvent le parisien, si ce n'est le béat local, oppose que la région est belle, qu'il l'aime bien lui aussi la province, avec ses petits coins tranquilles où il vient se reposer de ses dures semaines de labeur là bas dans la capitale. Que nous ne savons pas goûter notre chance, surtout en Normandie, où tout est richesse des verts pâturages aux ressources en granulats… qui alimentent principalement Paris.
Ainsi la Normandie est belle, avec ses plaines alluviales gorgées de petits cailloux et ses unités pétrochimiques, et si personne ne s'offre de résidence secondaire au Petit-Couronne – c'est la Shell que j'aime – à Port-Jérôme ou Notre-Dame-de-Gravenchon, ce n'est peut-être que le résultat d'un préjugé trop hâtif qui bloque le développement du tourisme dans ces hauts lieux de notre richesse locale.
Par contre, les deux-tiers des 350 millions de tonnes de granulats exploitées par et pour la Compagnie des Sablières de la Seine, les Bétons et Chantiers de Normandie et Beauvais Béton, forts de leurs 190 emplois, organisent le pillage irrémédiable de notre sous-sol que l’on recouvre d’un pudique voile d’arbres (1500 à l’hectare, maigre consolation) une fois la cicatrice creusée.

Est-ce pour le plaisir de reboiser que les cimentiers français se sont opposés à la création d’un pôle d’importation sur le port de Rouen. Le fallacieux problème des emplois ne concernait pas les 190 Normands mais bel et bien les 2500 emplois générés par le pillage de nos ressources.
Ressources qui sont bien loin d’être inépuisables puisqu’elles devraient être épuisées dans 13 ans.

Épatant, non, d'être une région riche ?

Surtout pour la bonne conscience, car ce ne sont malheureusement pas que des préoccupations de régionaliste attardé, le préfet Quyolet lors de son départ de Rouen, en 1992, soulignait « les dangers d'une surexploitation des carrières régionales » ainsi que les ardeurs extractrices de certains professionnels peu scrupuleux.

Betterave

La S.A.P.N., avec l'appui des Presses des Ponts et Chaussées, s'offre en cadeau d'adieux un ouvrage somptueux : – « Paris Normandie, une autoroute se souvient », où les administrateurs se gonflent de leur suffisance ; louons les hommes qui ont fourni cette superbe infrastructure indispensable aux hordes de parisi-huns pour déferler sur nos côtes. Mais, rappelez-vous que là où le parisi-hun passe, le béton et l'asphalte poussent !

Les mêmes fêtent fièrement leurs trente ans de bons et juteux péages sur une concession de 20 ans, concession qu'ils ont finie par vendre à une société d'autoroute du Nord (la S.A.N.E.F.) pour régler leurs erreurs d'investissements. C’est encore avec fierté qu'ils montrent les abominations architecturales dont ils ont décoré leur beau ruban noir, comme l'indéchiffrable « sculpture » de Georges Saulterre, érigée en bordure de l'A13 vers Tourville, qui avec sa grosse boule et ses cinq flèches d'acier inoxydable intitulées « Sur la trace des vikings » symbolise le nouvel élan de la S.A.P.N..

N'espérez pas vous procurer ce superbe ouvrage : il n'est pas à vendre, contrairement à ses commanditaires.

Privés de culture ?

Rouen et les Cathédrales de Monet, au Musée des Beaux Arts de Rouen, ont accueilli le 12 août 1994 leur 50000ème visiteur. Monsieur le conservateur s'est félicité et espérait que l'objectif des 100000 entrées serait atteint avant la mi novembre, date de clôture de l'exposition. Monsieur le conservateur est un homme comblé : c'en est même trop beau...
L'envers de la médaille est que, depuis la rénovation des locaux, les rouennais payent l'entrée de leurs musées au même prix que les touristes, malgré les 4 millions de francs d'entrées réalisées grâce à Monet ! Les touristes seront donc statistiquement de plus en plus nombreux à visiter les monuments rouennais.

Ironies de l’Histoire

Ça y est, le 6 juin 1944 est passé.

Mais on s'en souviendra dans quelques semaines seulement car, ironie de l'histoire ou relecture qui devient familière, on avait oublié de faire débarquer les pauvres gars venus des U.S.A., de l'empire britannique et quelques européens du continent en période de vacances nettement plus propices à l'exploitation commerciale et politique du sacrifice de leur vie.

Quitte à faire du pognon sur le compte des morts, disons que la Normandie, grande perdante de l'époque, n'y gagne encore rien matériellement et moralement. Ce fait d'arme va être traité (exploité) sans que l'on parle du champ de bataille. Les producteurs de gadgets, aliments, vêtements estampillés 6/6/44 vont toucher le jakpot, quelques hôteliers ont annulé les réservations de vétérans et en même temps terni notre image. Ni les élus, ni l'Office du tourisme Normand n'ont su faire de l'événement un phénomène catalyseur des énergies de la région et obtenir des équipements comme, n'importe quel organisateur de Jeux Olympiques sait le faire. Il faut dire que les querelles politiciennes s'en sont mêlées ; de certains coqs de village – appelés maires ou présidents de comité – au gouvernement en passant par un président de demi-région qui voulait faire croire que la Normandie se résumait à trois départements. Sous les bombes, de Saint-Lô au Havre en passant par Caen, Rouen – sans oublier Dieppe deux ans plus tôt – de nombreuses villes ont perdu leur cachet et une fraction non négligeable de leurs populations qui ne sont jamais revenues.
Puisque nous sommes sur le chapitre des morts utiles pour le cynisme, touillons un peu. Les G.I.'s ne sont pas morts pour rien, ils ont remplacé l'occupant allemand par la dictature du Père, du Fils et du saint Esprit, c'est-à-dire Mc Do, Coca et Euro Disney, qui étant plus insidieuse ne sera pas non plus facilement délogée.
Continuons. Pourquoi le respect des morts devrait-il être sélectif ? Les Allemands n'ayant pas le don d'ubiquité, il faut bien admettre que si les tortionnaires étaient dans les camps, on avait en Normandie des unités d'élite, comme chacun le sait, qui à ce titre méritent le respect. D'autant plus que certains de ces merveilleux soldats, même si adversaires, ont ensuite parfaitement servi la France en Indochine dans les rangs de la Légion. Quant aux exactions qu'elles ont pu commettre en marge des combats, je les garderais en réserve de la mémoire de la république jusqu'au jour où la lumière sera faite sur les heures noires de l'épuration – un mot très à la mode – et que les décomptes seront possibles.
Les Droits de l'Homme sont universels et intemporels, c'est bien connu. Ayons donc une pensée pour les françaises et leurs bébés enterrés dans les cimetières allemands entre 1945 et 1947, morts des mauvais traitements qui leur étaient infligés dans les camps où avaient été regroupées celles qui avaient fait de la collaboration amoureuse, avant que le M.L.F. vienne dire qu'elles pouvaient disposer de leur corps dans la banlieue de leur choix. Allez voir ces tombes avant qu'un émissaire d'un ministre spécialiste des questions raciales et nationales obtienne du gouvernement allemand qu'elles aillent dans une fosse commune au nom de la réconciliation franco-allemande comme n'importe quel vendéen parce que la notion de crime contre l'humanité est aussi impartageable qu'imprescriptible.

Pire que le cynisme et l'amnésie sélective, il y a le ridicule qui tuera peut-être beaucoup de monde sauf les acteurs. Le débat sur la présence du chancelier Khôl aux cérémonies commémoratives me fait penser que les britanniques ne nous ont jamais invités à commémorer Azincourt et Waterloo. Par contre si on voulait culpabiliser les allemands nés après 1940, on ne s'y prendrait pas mieux. Ce rejet exacerbé créera un ressentiment analogue à celui des années 20 qui a rendu possible l'accession d'Hitler au pouvoir. L'ironie et l'irresponsabilité, la bêtise et le cynisme, les Droits de l'Homme à usage politique ou commercial – show business oblige – sont à la portée de tout le monde comme cet article le démontre. En réalité, finalement, la Normandie a encore manqué une occasion de se mettre en valeur avec dignité et à amorcer une sortie du marasme économique.

Pour conclure, la seule commémoration que je m'autorise c'est de remercier les acteurs du 6 juin 44 qui m'ont permis d'écrire ces lignes. C'est une liberté que je crois encore avoir, qui ne sera peut-être pas payante, mais que je leur dois. Parmi les gens « politiquement corrects » (sic) qui critiqueront ces lignes de dissident, combien sont allés modestement au pied d'un monument aux morts le 8 mai depuis cinquante ans et en particulier ne serait-ce que cette année de commémoration en fanfare qui oublie les victimes Normandes ?
Éric Valin

samedi

Régions à la coupe...

La décentralisation-régionalisation est vraiment le plus incroyable serpent de mer de la vie politique et administrative française. Depuis le célèbre « Paris et le désert français » que Jean-François Gravier publia dès 1947, la prise de conscience de cette question fondamentale a eu peu d'occasion de se concrétiser en prise de décision. Le serpent de mer grandit, nourri de toutes les fausses réformes et de tous les vrais atermoiements, du référendum avorté et détourné du général De Gaulle en avril 1969 aux velléités réformatrices de Georges Pompidou deux ans plus tard. Puis vinrent les socialistes. Certes, il y eut quelques sceptiques mais beaucoup crurent que cette fois là, les questions seraient examinées à fond tant leur programme et leurs déclarations étaient précis et clairs en la matière. Il était bien ancré dans l'esprit de tous que les socialistes étaient les meilleurs défenseurs de l'« idée régionale » face aux « horribles jacobins de droite » et étaient des hommes de terrain connaissant par coeur les incohérences et les aberrations de l'hyper-centralisation des administrations françaises.

Dès le mois qui suivit leur arrivée en masse à l'Assemblée Nationale, leurs députés « planchaient » sur ce qui allait devenir la Loi Relative aux Droits et Libertés des Communes, Départements et Régions, le 2 mars 1982. Une loi aux objectifs plus que louables : rapprocher les lieux de décision des administrés concernés, supprimer le contrôle a priori et la tutelle omniprésente du pouvoir central, créer un nouvel équilibre local. En bref, commencer à moderniser les structures administratives françaises en s'inspirant de celles qui fonctionnent correctement dans la plupart des pays occidentaux. De la part d'hommes politiques qui, dans un même temps, mettaient en place l'Assemblée Régionale Corse et promettaient des assemblées élues au suffrage universel dans toutes les régions de France, tous les espoirs étaient permis... L'optimisme et la naïveté faisaient bon ménage.

Gérard Landry
À côté du grand nombre de régions qui se satisfont de leurs limites (on va les persuader maintenant du contraire !), cela fait 20 ans que des pseudos régions, des régions-croupions ou des « sans-régions » bougent, râlent, pétitionnent, protestent sous l'œil indifférent des gouvernements successifs. Vingt ans que les Normands veulent leur réunification, que les Bretons réclament Nantes, leur deuxième capitale et que la Savoie, noyée dans « Ronalp » aspire à son autonomie. Seule la Corse a eu gain de cause, sans doute grâce à quelques bombes et à sa forte capacité de mobilisation. Que vont nous « pondre » les parisiens avec cette nouvelle réforme ? Sans doute quelques bonnes choses pour commencer, puisque monsieur Roccard a assuré que le gouvernement ne ferait plus d'opposition à de nouvelles limites réclamées par les élus (le cas le plus flagrant étant la Normandie). Mais on peut craindre aussi les surprises, les conglomérats nés de calculs électoraux. Car le but affiché est de créer de « grandes régions » qui « fassent le poids » vis à vis des autres régions européennes ; il faut donc regrouper les 22 régions pour aboutir à une dizaine (manifeste du P.S.).

La thèse est recevable ? Est-ce que les régions, pour être viables, pour avoir du poids, non seulement vis-à-vis des autres régions d'Europe mais surtout vis-à-vis de Paris (c'est là le gros problème français jamais abordé !). Regardons autour de nous : les 20 petites régions italiennes, les 17 « communautés autonomes » d'Espagne ont, malgré leur taille, des compétences étendues, bien plus que n'en auraient en France un « Grand Sud-Ouest » ou un « Grand Nord-Est » tels que le rêvent certains. La Sarre ou le Schleswig-Holstein, de dimensions réduites n'ont rien à envier à la puissante Bavière ou à la Rhénanie-Westphalie. Alors où est le problème ? Il est bien sûr dans le rôle que l'on veut faire jouer à ces régions. Ce n'est pas la préoccupation de la classe politique, qui se demande (Fabius) si en collant la « haute »-Normandie à la Picardie, cela lui ferait une majorité de « gauche » ou encore (Mauroy) si en collant le Nord à la Picardie, il n'aurait pas, lui, cette majorité.

Le rôle que nous voulons leur voir jouer n'est pas un rôle de figurant muet dans une tragédie moderne du théâtre parisien, mais un rôle actif qui renouerait avec l'Histoire. II faut pour cela deux conditions : une forte personnalité et un pouvoir étendu.

Cette réforme annoncée par les socialistes en 1982, puis délaissée, occultée dans le débat actuel, devrait régler les conflits de compétences entre départements, régions et administrations d'État, conflits coûteux humainement et financièrement. Cette réforme poserait la question du maintien du cadre départemental qui apparaît de plus en plus comme « de trop ».

Être prêt pour 93, rêve et cauchemar de la classe politique, ne se mesurera donc pas au nombre de régions mais à leur capacité de mobilisation (inversement proportionnelle à leur caractère artificiel) et à leur degré d'autonomie. Cette réforme est urgente.

Marc Wattiez
« Le courrier des Pays Bas Français » n°11 et 59

« Les promesses électorales n'engagent que ceux qui les écoutent »

Charles Pasqua, ministre de l'intérieur et au plan 1986-1988, 1991-...

politically correct

Déjà dénoncée, la colonisation douce progresse à grands pas, de plus en plus vite, de plus en plus fort, dans l'indifférence générale, qui commence par celle des politiques. La « World Company », cette caricature du tranquille impérialisme américain que montrent chaque soir sur Canal+ les « Guignols de l'Info », c'est à peine une caricature, c'est au fond la réalité. Qui fait rire et devrait faire peur. Car bientôt dans le pays des trois cents fromages et des six cents crus tout le monde n'aura plus droit qu'aux Mc Do : bœuf industriel entre deux tranches de carton bouilli, le tout arrosé de Coca-Cola. Avant de se retrouver tous les soirs, mais chacun chez soi, devant le même feuilleton made in USA.

Les français « colonisés jusqu'au trognon, américains dans leur tête », n'ont plus que cette échelle de valeurs et cette raison de vivre là : être « politically correct », conforme au sublime modèle Coca – Mc Do – Dallas.

La France, comme paysage, culture, histoire, manières originales de vivre n'existera bientôt plus, ou subsistera dans quelques pavillons « exotiques » du « Disneyland » (ou, comme on dit déjà dans les notices de la BNP, de « Marne Valley »).

Fonctionnaires, une chance pour la France ?

Dans une France dont la formidable diversité géographique et humaine nourrit les tendances centrifuges qui peuvent s'opposer au désir de vivre ensemble, l'autorité du Prince a toujours eu besoin de relais efficaces et de gardiens vigilants. En 1790, les circonscriptions administratives fusionnent avec la création des départements. De grands corps de fonctionnaires sont créés sous le Consulat : cour des Comptes, Conseil d'État, qui ajoutera durant un siècle à son rôle de juge administratif celui de législateur. Des Bouches du Tibre aux Bouches de l'Elbe cent trente préfets constituent autant d'« Empereurs au petit pied ». Jamais l'administration, de laquelle Napoléon exige promptitude et obéissance, n'a connu autant d'autorité, de prestige et d'honneurs.
Conseiller d'État sous l'Empire.

Le Second Empire confie aux préfets les affaires locales : ils dirigeront le suffrage universel et superviseront les grands travaux. Chaque département reçoit un Trésorier-payeur général, et une synergie s'instaure entre préfets, ingénieurs de ministères techniques et Conseillers d’État : la haute fonction est le carrefour de l'oligarchie.

En 1946, on crée un ministère spécifique de la fonction publique, une Direction générale rattachée au premier ministre, et un secrétariat général. La formation est unifiée avec la création de l'E.N.A., qui doit former un corps d'administrateurs de haut niveau. En 1970, le secteur public compte plus de six millions de salariés.

Recrutement par concours, traitement versé par le Trésor Public, position hiérarchique, sécurité de l'emploi, pension de retraite, ces serviteurs du « bien public » sont au centre de notre quotidien politique et constituent un « quatrième ordre », réputé loyal et incorruptible, mais qui, non soumis à l'élection, se trouve hors du jeu démocratique.

L'avenir de la fonction publique française sera-t-il celui du rayonnement d'un « modèle français » dont personne ne veut plus ?


Paysages en sursis

Jamais dans l'histoire le paysage ne fut aussi menacé que de nos jours dans sa qualité, sa véracité, son harmonie. Jamais non plus il n'avait été l'objet d'un si grand nombre de soins officiels, de mesures de protection, de tentatives de sauvegarde. « Plans paysages », « plan d'occupation des sols », « schémas directeurs », autant de tentatives pour protéger les sites encore vierges ou pour modeler la pression menaçante exercée par l'extension des villes, des industries, des implantations touristiques sur le milieu nature !

Salutaire réaction face à la dégradation de notre cadre de vie ? Ou tentative un peu vaine de palier les effets pervers d'une modernité que nul n'est prêt à remettre en question ? L'histoire de notre paysage est évidemment liée à l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme, eux-mêmes résultant d'une volonté politique ou religieuse. Les premières traces de l'homme dans le paysage occidental sont d'ordre vénérable, religieux. Les mégalithes du Finistère, dont l'ordonnance date de 4600 ans avant notre ère, sont des monuments funéraires. Avec la civilisation gallo-romaine, le paysage français est né : un paysage communautaire fait de villes, de villages, de régions agricoles dont les structures évolueront de façon cohérente et ne seront plus remises en question avant le déclin de l'autarcie régionale dû à l'avènement des moyens de communication ultra rapides de l'ère moderne. Jusqu'à cette date, en effet, l'homme « conquiert » la nature, mais cette conquête est civilisatrice et non pas destructrice; domestication de la forêt, extension des cultures, développement des villes, des villages et des monastères, ceux-ci étant probablement le moteur essentiel de l'aménagement de notre territoire après la conquête romaine. Au XVIIème siècle, la ville défensive cède définitivement la place à la ville d'agrément : l'esprit, classique l'organise selon les principes (d'ailleurs redécouverts de l'Antiquité) de la rue rectiligne et de la perspective. Avec le XVIIIème siècle, l'intérêt se porte sur la nature elle-même, mais une nature que l'on voudrait idéale. La mode est alors aux jardins chinois, à l'esthétisme de Rousseau. L'apparition de cette nature abstraite devenue élément de jouissance coïncide avec celle du tourisme et avec la diffusion des guides à l'intention des voyageurs. Le paysage devient ainsi décor, prestation pourrait-on dire : dérive annonciatrice du concept pragmatique et contemporain d'environnement écologique.

La révolution industrielle du XIXème siècle va exacerber ce nouveau mode d'attachement à la nature : si l'industrie procure à l'homme de plus grands biens matériels, un déplacement plus rapide, elle lui impose aussi de grandes architectures d'usines et des voies ferrées qui découpent le paysage, La circulation des matériaux de construction débouche dans le même temps sur l'uniformisation de l'architecture, répandue par l'image accessible à tous de la maison du garde-barrière, ancêtre du pavillon individuel.
Le paysage change ainsi d’échelle : il est désormais régi par une échelle nationale, voire internationale... et non plus par l'échelle régionale jusqu'alors en place.

 

Pressentiment des menaces que fait peser sur le paysage l'avènement de la modernité ? L'idée d'organiser la protection du paysage naît elle aussi du XIXème siècle. Comme si, en se dotant de nouveaux moyens de productivité, de vitesse, l'homme avait immédiatement senti l'impact de ces « progrès » sur son environnement, et la fragilité de son patrimoine devant le déferlement de ces nouveaux biens. Le bilan politique est en réalité contrasté: si le dispositif mis en place a bien permis de protéger un grand nombre de sites, il n'a pas pour autant donné naissance à d'harmonieuses agglomérations. C'est qu'il n'a pas cherché à apprendre à ceux qui entendaient aménager la France à prolonger le paysage comme l'avaient fait les bâtisseurs des siècles précédents de notre histoire. Or, la protection administrative peut-elle relayer la vie d'un paysage ?

Peu de lieux subsistent en France où la main de l'homme n'ait laissé son empreinte organisatrice […].

C'est ainsi que pendant des siècles le paysage français a été protégé par des gens qui n'en avaient nulle conscience, Parce qu'il était tout simplement aménagé dans le respect de sa vocation naturelle. Alors que Sa politique de protection des sites consiste au contraire aujourd'hui à soustraire un certain nombre de paysages à leur siècle, à les placer sous cloche comme autant de pièces de musée. La question est de savoir où s’arrêter : on ne peut classer toute la France !

La limite du système tient à ce que les classements de sites ont un aspect artificiel : ils ne préservent que l'aspect inclus dans le périmètre défini. Au-delà, tout est possible. Parce que l'aménagement lui-même a cessé d'être, hors de ses limites, conçu comme une mise en valeur du paysage. Et qu'il est, le plus souvent, mené dans un parfait mépris du site. Le dessin des villes, villages, hameaux isolés bonifiait autrefois le paysage. Aussi n'était-il guère besoin de protéger les sites.

Aujourd'hui, c'est la vie qui détruit au contraire le paysage. Et les sites protégés peuvent être considérés comme autant de « réserves indiennes » où seraient conservés les témoignages d'un passé évanoui. « La volonté de protéger un paysage à l'échelle d'un site ou d'une région est inspirée au départ par un réflexe de défense, affirme Jacques Sgard, paysagiste contemporain. Le concept de protection doit aujourd'hui être relayé par celui d'aménagement et de gestion ».

Par-delà la pédanterie du dernier terme, il faut reconnaître dans ces propos, très représentatifs de la tendance en matière d'urbanisme, une évolution favorable. Après une période où la protection des sites a fait fureur, on découvre les limites de celle-ci. Dans la mesure où il n'est pas possible de doter l'ensemble du territoire d'une protection juridique, il est sans doute préférable de favoriser le réapprentissage de l'aménagement, résultat, de la vie économique et politique régionale, plutôt que de juxtaposer une protection excessive ici et un laisser-aller complet ailleurs. Mais pour être efficace, le réapprentissage devra prendre racine plus profondément que dans le simple réflexe esthétique ». […]

d'après Olivier MADELIN
Le Spectacle du Monde
août 1994

Les espaces Normands

L'économie est devenue urbaine et la ville est au cœur de tous les débats sur le développement économique et la vie sociale. La majeure partie de la population vit à la ville, et les projections les plus optimistes supposent que l'on stabilisera cette croissance vers un rapport de quatre-vingt citadins pour vingt ruraux ; beaucoup parmi ces derniers sont déjà des citadins au plan professionnel et des loisirs. Les esprits évoluent, et beaucoup prennent conscience qu'aucune grande ville Normande ne peut prétendre seule au label européen. Le maillage urbain permet de conférer aux cités Normandes la taille européenne, mais comment faire alors que l'on pèse le quart en population de son puissant voisin pour que cette situation ne conduise à une colonisation insidieuse qui marquerait notre agonie ?

La DATAR, l'État et les autres...

Car s'il est une constante depuis 1450, date de l'annexion de la Normandie par la France, c'est que les français ont une vision négative de la Normandie qui s'est vue interdire toute perspective d'auto développement. Parallèlement à l'opposition Paris/Provinces, il a été instauré que les espaces ruraux et industriels doivent être réciproquement étrangers ; partant de cette analyse, l'aménagement de la « Basse-Seine » en « zone de développement » ne pouvait être confié qu'à des spécialistes, donc à la DATAR ou à des organismes extérieurs, lorsqu'ils ne sont pas rivaux comme l’IAURIF (Institut d'Aménagement et d'Urbanisation de l’Ile de France).

« Deux scénarios peuvent être dès lors envisagés pour notre pays ; le premier est celui d'un modèle de développements séparés, où cohabiteraient sur le sol national des populations et des territoires aux situations, aux modes de vie différents, donc aux solidarités divergentes, […] Chacun s'organiserait au mieux de ses intérêts ; il aérait dès lors illusoire de vouloir préserver un même système d'éducation, de protection sociale, de retraite, voire même d'imposition. Il suffirait d'un État minimum, garantissant la paix civile et le secours aux plus défavorisés, autant et aussi longtemps que faire se pourrait.
« L'autre perspective est celle d'une cohésion nationale renouvelée, autour d'un « pacte républicain » adapté au monde qui vient. C'est la voie choisie par le gouvernement. La politique d'aménagement du territoire se situe au cœur de cette entreprise, puisqu'elle tend à valoriser la propriété collective de la nation, son espace, à améliorer son « offre » dans la compétition internationale, tout en rétablissant l'égalité des chances entre les territoires et en consacrant leur solidarité.
Il faudra un État plus proche des réalités locales dans son organisation. »

Cela étant extrait des deux premières pages de la synthèse du document d'étape du Xlème plan, édité par la DATAR et cosigné par MM. Balladur, Pasqua et Hoeffel, nous savons d'ores et déjà comment notre destin est scellé. Que, pour des raisons qui nous échappent encore, l'on nous ait laissé entendre que les aspects qui heurtent nos susceptibilités de provinciaux seront atténués n'y changera pas une ligne, ce sont, des écrits contre des paroles. Ce dont nous sommes sûrs, c'est que l'État entend faire payer le prix de ses erreurs à la « province ».

La contre-attaque de l’empire

Parce que des gouvernements successifs n'ont fait aucun effort d'intégration des populations allogènes, les provinces se voient interdire la promotion de leur identité régionale, la défense de leurs intérêts propres, l'enseignement de leur culture et de leur langue régionale, même le statut particulier d'assurance maladie d'Alsace et de Lorraine est remis en cause... avec force rappels pathétiques à une discipline républicaine à sens unique. Parce que les institutions centralisatrices sont en déliquescence, on propose d'appliquer à nouveau la recette du « tout Paris » et de son attractivité internationale. La répartition des ressources publiques sera accrue des taxes professionnelles et gérée par l'Assemblée Nationale, le rôle de l'État renforcé du pouvoir des préfets et sous-préfets.

Cette « vision du monde » enlève à la vie « de province » toute éventualité de jouer un rôle international, même européen. La « basse »-Normandie semble attirée par la Bretagne tandis qu'en « haute »-Normandie certains rêvent de Picardie ou d'Ile de France. Face à l'expansionnisme parisien, il est plus que jamais nécessaire de créer de nouveaux chantiers de coopération normano-Normande.

De nouvelles approches

À la centralisation française au bénéfice de Paris ne répond pas une micro centralisation Normande au profit de Rouen, Le Havre ou Caen : là réside la chance d'une exception culturelle Normande qui affirme un genre de vie équilibré à l'origine d'une nouvelle organisation de l'espace de type multipolaire.

Les villes qui constituent l'espace-capitale régionale sont le pôle fort qui évite trop de dépendance extérieure, le phare qui structure l'identité régionale. Il faut un poids important pour répondre à la définition de métropole européenne et arriver enfin à une relative autonomie.

Déjà, les deux Conseils économiques et sociaux de Normandie travaillent ensemble, sur trois grands dossiers : les formations supérieures et la recherche, les infrastructures de communication, la promotion et l'image de la Normandie. Mais seule cette dernière opération est une des rares structures opérationnelles inter Normande. Normandie Métropole, qui regroupe les trois capitales Normandes, pose sur des évidences un constat riche de promesses : la Normandie est la seule région maritime du Grand Bassin parisien (G.B.P.), les grandes villes sont essentiellement associées à des ports, le patrimoine historique de la Normandie est donc géopolitique ; ces lapalissades sont la preuve d'une prise de conscience de notre capital de situation, qui pour l'instant est exploité et non géré. Le contexte de la création de Normandie Métropole répond à une agression caractérisée : un État et son bras séculier en matière d'aménagement du territoire, la DATAR, fixent des normes : incompatibles avec les réalités des villes Normandes, les abaissent ou les oublient. C’est donc en réaction à la tutelle de la DATAR que Normandie Métropole est devenue un .facteur incontournable de l'aménagement du territoire. Encore qu'il ait fallu attendre vingt-cinq ans que les politiques montrent leur attachement à la chose commune Normande. Bien que tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il ne peut exister de réseau de ville idéal, il n'en demeure pas moins vrai que certains principes doivent être respectés ; la reconnaissance des intérêts légitimes de chaque partie, l'absence de hiérarchie urbaine, impliquent une vision plus que des définitions. Ainsi d'un contrat technocratique, qui ne serait que la pâle copie des approche delà DATAR, le réseau de ville se doit d'être un espace privilégié où toutes sortes de contrats peuvent être définis sans que tous soient directement partie prenante. C'est, deux siècles après la Bastille, un peu de démocratie qui nous revient.

Une communauté de destin vécue, voulue, entretenue

Les grands projets de coopération l'emportant sur les décisions de la DATAR, l'esprit hanséatique Normand pourra promouvoir ses ambitions commerciales, mais aussi culturelles. La création d'un Directoire des ports Normands afin que ces outils soient enfin reconnus autrement que comme des éléments de folklore, mais aussi comme des outils de notre développement. Une seule université de Normandie décentralisée sur l'ensemble du territoire Normand pour y développer nos particularités, et bien d'autres thèmes à venir fonderont, à l'exemple du Comité régional du tourisme, la volonté Normande d'être une communauté d'intérêts et d'ambitions.

Inévitablement l'exemple Normandie Métropole sera suivi, déjà Cherbourg, Dieppe, Lisieux, Bernay, piaffent aux portes des salles de réunion, « Val de Seine Développement » (du Vaudreuil à Vernon) pose les termes de la contre offensive à l'expansion du Glouton Boulimique Parisien (G.B.P.); un nouveau réseau de ville européen s'ébauche avec le South Coast Métropole (Southampton, Poole, Bournemouth et Plymouth)... Les champs sont donc ouverts pour une nouvelle définition géopolitique de la Manche.

Car nous ne voulons pas que la DATAR, l’IAURIF ou autres manifestations d'un empire technocratique à connotation colonialiste, viennent décider pour nous de ce qui ne concerne que nous. L’État, selon le traité de Maastricht, doit remplir un rôle de subsidiarité et d'arbitrage, rien de plus. Alors que l'on ne nous parle plus de ces schémas d'aménagement où des « directives territoriales viendront préciser dans chaque région les conséquences de ce schéma », ni que l'on nous « précise les principaux enjeux de notre développement ». Nous ne voulons pas, à l'instant où l'Europe veut dialoguer avec les régions, d'un quelconque « renforcement du rôle du parlement dans le domaine de l'aménagement du territoire ».

Surtout, quand on sait qu'un technocrate ça passe et ça assume autant que la bonne conscience d'un locataire moyen du palais Bourbon.

Jean-François Bollens

Rendre le pouvoir au peuple ?

Comment fonctionne, aujourd'hui, en France, la démocratie ? La volonté du peuple peut-elle vraiment s’exprimer ? Le peuple exerce-t-il effectivement le pouvoir ? En réalité, de plus en plus, la volonté du peuple se trouve morcelée, son pouvoir confisqué, et son intérêt masqué. Les corps des classes intermédiaires évoluent comme l'aristocratie sous l'Ancien Régime : elles passent des services aux privilèges, et des privilèges aux prétentions. Elles se coupent ainsi progressivement du peuple. Conservatrices de leur propre pouvoir, elles freinent le progrès, notamment social, de la nation.

« Par définition, dit Yvan Blot, l'ensemble des consommateurs n'a pas de compétence particulière. Et pourtant il assure, par ses choix, une régulation de l'économie très supérieure à celle des planificateurs de l'État. En effet, le mécanisme expérimental des essais et erreurs façonné par l'évolution historique et appliqué à des millions d'êtres humains permet d'accumuler une connaissance des réalités bien supérieure à celle que peut obtenir un bureau centralisé à l'aide de statistiques ».

L'Occident n'a atteint son degré de civilisation que parce qu'il a toujours su admettre la remise en cause des données scientifiques acquises et la remise en cause des pouvoirs acquis.

Territoire et destin en friche

À force d'avoir le nez dans les étoiles (y compris les douze européennes), les peuples ont oublié qu'ils avaient les pieds sur terre, à défaut d'aménager intelligemment leur territoire pour conforter leur démarche...

L'économie incontournable

L'aménagement du territoire ; ardente obligation ou bonne gestion, légitime aspiration ou véhémente revendication selon les uns ou les autres mais évidence pour tous... à notre époque. Cela n'a pas toujours été aussi évident. Notre pensée qui se veut visionnaire n'est que l'aboutissement très temporel d'un processus multi séculaire que l'on projette dans un court ou moyen terme hypothétique. Pourtant les concepts et effets de l'aménagement du territoire ont en commun d'être aussi longs à mettre en place qu'à s'effacer. Grossièrement, la France (selon le même principe que tous les autres pays « développés ») avec ses cinquante-cinq millions d'habitants produit les cinq cent mille ingénieurs et techniciens réellement utiles ; le reste a un rôle de vivier et de consommation, le nombre sert les économies d'échelle. Les pays en voie de développement fournissent les mains d'œuvres nécessaires aux grandes séries de production ou traitement à faible coût. Le quart monde constate et regrette à l'exception de la coopération qui, comme l'a dit un ministre de Mrs Thatcher, consiste à verser des fonds aux riches des pays pauvres grâce à une ponction fiscale opérée sur les pauvres des pays riches.

La répartition internationale du travail autorise les profits n'importe où sans l'obligation d'aménagement durable des sites et la prise en compte des difficultés sociales des habitants locaux.

En marge de ce survol historique, notons que, de l'espace tribal à la circonscription électorale en passant par la féodalité, le territoire a toujours été fondateur et référentiel du pouvoir, des lois, des coutumes, de la communauté d'intérêt et des conditions de vie.

Vive l'État-Nation

Le libéralisme reconnaît à l'État deux droits justifiant son existence : fournir les infrastructures du développement économique, panser les plaies des laissés pour compte du dit développement ; l'adage récent « État moderne, État modeste » fait tristement suite aux célèbres « Laissez faire, laissez passer » et « Enrichissez-vous ».
Allégorie célébrant la nouvelle division du royaume en départements égaux en 1790.
Avec ce découpage les circonscriptions administratives sont féodalisées au profit des notables localistes qui « gouvernent » sous la tutelle des préfets.

Plutôt que de s'enfermer dans des querelles de définition et attribution des rôles (comme celles suscitées par la notion de subsidiarité dans le Traité de Maastricht ou la préparation avortée du Xleme Plan ou par l'enquête de Pasqua sur l'aménagement du territoire) considérons les trois fonctions régaliennes qui justifient l'existence de l'État et son intervention pour aménager le territoire :
- assurer la subsistance du peuple (économie et fiance)
- assurer la paix intérieure (justice, solidarité et condition de vie)
- assurer la paix extérieure (diplomatie et défense)

Pour plus d'efficacité, cela suppose l'homogénéité ethnique et culturelle sur un territoire, selon une histoire pour un destin.

La seconde légitimation d'un État repose sur sa réussite dans ces trois fonctions plus que par le degré de démocratie qui l'a porté au pouvoir. Une dictature, illégale au départ, peut se légitimer, donc accéder au stade supérieur de la perfection politique, en aménageant correctement le territoire et en assurant ses fonctions régaliennes dont le point « de vie décente » devient crucial pour le jugement de l'Histoire. La dictature peut-être utile pour la préparation nécessaire d'une forme de démocratie conforme à un peuple pour gérer son espace vital. La première légitimation d'un État est d'être l'aboutissement logique d'une synthèse comprenant les éléments de l'histoire, de la géographie, de la culture d'un peuple qui adhère naturellement au système. L'intervention de l'État dans le domaine des relations extérieures pour l'économique et le social, au sein de l'Union Européenne ou de l'Organisation Mondiale du Travail, n'est pas l'objet de cet article mais elle doit rester présente à l'esprit. En effet, il faut tenir compte d'une part des besoins en matières premières et des besoins de débouchés pour nos entreprises, d'autre part d'un système de concurrence et imbrications internationales qui sont des réalités contraignantes pour longtemps encore. Ce n'est pas d'hier que les bourgeois, commerçants et affairistes, ont porté les beffrois plus haut que les clochers en même temps qu'ils faisaient du système urbain le pôle économique prépondérant au détriment du système rural. L'aménagement du territoire est peut-être l'amorce de la revanche posthume des féodaux qui prenaient en compte la terre nourricière et source de puissance avec les serfs qui y étaient, affectés. Ces derniers trouvant là une sécurité d'emploi et de protection face aux agressions des « voisins » que l'on rencontre de moins en moins dans nos banlieues.

Acteurs et conditions.

Les acteurs de l'aménagement du territoire peuvent être regroupés en trois catégories :
- les institutionnels : l'État, les collectivités locales, les entreprises nationales.
- les ambigus : entreprises privées, les multinationales.
- les zombies : l'Union Européenne, les partis politiques.

Bien évidemment, l'aménagement du territoire est plus facile en période de prospérité, mais c'est, justement à ce moment qu'il est le moins nécessaire. À cela s'ajoutent les difficultés dues à un jacobinisme persistant dont s'accommodent les fonctionnaires, les quémandeurs, les dépourvus d'imagination, de repères ou d'envergure.

Autre problème d'ordre intellectuel ; le mépris du monde rural parce qu'il existe un mythe de la ville source de progrès, de profit de confort, de loisirs, de services, de vie, de démocratie, de convivialité et toutes autres bonnes choses que l'on constate de moins en moins, mais qui existent aussi en milieu rural, même si cela est de façon différente. Les révolutions industrielle et informatique ont relégué le secteur primaire dans le domaine des parcs et des musées, maintenant il faut payer ces erreurs.

Critères et finalités

L'aménagement du territoire n'est pas une fin en soi mais a une finalité. C'est un moyen qui a lui-même besoin de moyens. Les critères d'action sont déterminants et révélateurs du pouvoir qui ordonne (au double sens de ‘dirige’ et ‘détermine une disposition’). On peut partir des ressources locales, créer des conditions artificielles, utiliser des faits, les finalités contribuent toutes à l'unité nationale ; ce peut-être un paradoxe du régionalisme, les finalités sont aussi le reflet des peuples, des pouvoirs, de leurs histoires. Quelques exemples :

- U.R.S.S. : organiser l'interdépendance des régions en les spécialisant (imbrication pour dominer).
- Allemagne : quadrillage du territoire à des fins stratégiques mais permettant à chaque allemand d'accéder de façon égalitaire à tout le territoire (longue tradition de länder, indépendants puis fédérés) à l'opposé du réseau en étoile autour de Paris (conception différente de l'État mais même résultat de « bornage » dans l'esprit du peuple).
- Italie fasciste : assèchement des marais pour l’agriculture ; œuvre paternaliste de nourriture (deux des quatre pulsions fondamentales de l'homme) mais aussi fierté de vaincre et féconder la nature.
- Conquête de l'Ouest américain : exemple type d'une puissance assise sur un territoire ou l'égalité de droit et de propriété crée un intérêt commun et une solidarité.
- Les colonies de peuplement israéliennes : dans les zones occupées ; ré appropriation du soi dans le cadre du mythe biblique.
- La planification française : esprit cartésien qui quantifié tout le projet avec une rigueur mathématique peu compatible avec la vie. La planification ne s'y fait pas en termes qualitatifs, coordonnés, d'objectifs sans délai. On rêve de disposer d'une mine et d'un port en Savoie comme en Vendée ou en Lorraine. Les jacobins croient que « Unité » est synonyme « d'Uniformité ». Les phénomènes d'interaction et de dépendance des secteurs ne sont pas pris en compte.

L'aménagement du territoire est donc tout sauf une clause de style dans la vie politique. Pour pasticher, je crois même que c'est une affaire trop sérieuse pour les hommes politiques, il vaudrait mieux le laisser aux hommes qui ont le sens de l’État ainsi qu'une conception claire de leur appartenance nationale et de leur fonction.

Une constitution fédérale serait une bonne solution pour l'aménagement du territoire, donc pour la France.
Éric Valin

Aménagement du territoire ?

Traiter de l'aménagement du territoire dans Runes…
Voilà qui n'est pas nouveau !
Mais était-il réellement nécessaire de constituer un cahier sur le sujet après toutes les imprécations que nous avons formulées ? Il nous faut bien admettre qu'entre les hauts-de-cœur que nous éprouvons à la lecture de la presse et les convictions, même les plus tempérées, de nos contemporains, il y a souvent un gouffre qui mérite que l'on reconsidère la question : – les régions, depuis le temps qu'on nous en parle, sont-elles enfin arrivées à l'âge adulte, ou bien, à l'instar de la chaîne de télévision « France (régions ?) 3 », la tutelle de l'État ou de tout autre organe supérieur est-elle une nécessité pour les citoyens reconnus définitivement irresponsables. En qualité « d'irresponsables notoires » il nous a semblé que cette introspection se justifiait suffisamment pour que, après étude, notre cercle de formation produise quelques éléments qui ont enrichi notre réflexion et nos a priori.
Avons-nous traité « objectivement » le sujet ?
Méritait-il vraiment que nous restions objectifs ? Runes est un support d'information autant que d'information, mais ce sont surtout les « Lettres d'O.D.I.N. », donc nous sommes restés de mauvaise foi, et cette mauvaise foi ne nous donne pas mauvaise conscience : – tout montre que nous sommes tenus délibérément à l'écart des décisions qui nous intéressent, par tous les niveaux de « compétences ».
François Delaunay

Nous sommes tous des pêcheurs Normands

Depuis longtemps nous avons exprimé notre sympathie pour la cause de la pêche Normande. En 1980, nous participions à la grande manifestation des pêcheurs Normands à Paris où les drapeaux aux léopards ou à croix de saint Olaf flottèrent sur le pont de Bir-Hakeim. Nous garderons de ce jour là l'impérissable souvenir de la colère Normande s'exprimant face à l'indifférence de l'État central... Concernant la question des îles de la Manche, quelles soient sous souveraineté britannique ou sous domination française, elles sont toutes Normandes, elles font partie intégrante de la Grande Normandie !

La situation n'est pas sans rappeler la fameuse distinction maurrassienne entre le Pays Légal et le Pays Réel... Et c'est quand le Pays Légal ne prend pas en compte les problèmes du Pays Réel qu'alors se déchaînent les violences légitimes. Car le Pays Légal ne connaît et n'excuse que les violences abusives, sinon comment oublier les étranges impunités dont bénéficient les « casseurs » des banlieues ? Alors que, lorsque le Pays Réel a le sentiment que la coupe des avanies déborde, les violences légitimes auxquelles peuvent se livrer certaines populations désespérées sont sévèrement réprimées, tandis que les revendications les plus justifiées sont plus ou moins ridiculisées par la clique médiatique parisienne et les moralistes en chambre de la classe intellectuelle...

Être du côté de ceux qui, bien que travaillant dur, sont spoliés du fruit de leur labeur, est un devoir sacré, et quand on méprise certaines professions nous savons bien qu'on insulte tout ce qui fait la grandeur quotidienne du peuple Normand. Pour faire plaisir à des notables en quête de casquettes gratifiantes, on a arbitrairement divisé la Normandie en deux régions. La Normandie ne s'en remet pas. Ni la « haute », ni la « basse »-Normandie ne savent tirer leur épingle du jeu dans la grande partie de Monopoly que constitue l'Aménagement du Territoire et nos petits roitelets – présidents de régions-croupions – n'ont pas l'entregent suffisant pour exiger de l'État central une nouvelle prise en compte des problèmes de certaines de nos catégories sociales et professionnelles.

Veut-on un exemple ?
Comment a-t'on pu tolérer que l'État français ferme son consulat en l'île de Jersey alors que Madame le Consul, aux dires mêmes des représentants de la profession, avait toujours su défendre au mieux les intérêts de nos pêcheurs ?

Qu'a fait le président de la région de « basse »-Normandie devant cette dérobade étatique ? Et son collègue de « haute »-Normandie, qui n'a même pas du se sentir concerné ? Rien, bien évidemment ! Eussent-ils, d'ailleurs, protesté, qu'ils l'auraient fait de façon discordante et donc, inopérante. Voilà le résultat de la division Normande !

Rapportez cela au problème des routes, à celui du chemin de fer, aux investissements structurants et vous comprendrez alors pourquoi, aujourd'hui, en ce mois d'avril 1994, la Normandie se trouve dans une situation dramatique au plan économique et social, avec 200 000 demandeurs d'emploi officiellement recensés, le triste record de France de l'endettement des ménages et un retard scandaleux en matière de communications.

Dans l'affaire des archipels des Minquiers et des Ecrehous, il est navrant que ces îlots soient interdits à nos marins-pêcheurs et que six à sept cents familles pâtissent de cette forme d'exclusion de la part de nos compatriotes Normands des îles de la Manche qui ne font pas partie de l'Europe communautaire. C'est bien la raison pour laquelle ils peuvent s'opposer à l'accès des eaux de l'archipel Normand, puisqu'elles ne sont pas communautaires...

Il est étonnant que le gouvernement français ait accepté l'entrée du Royaume-Uni dans le Marché Commun sans exiger que les îles de la Manche fussent concernées... Là est la vraie question.

Et cette question date de 1204. C'est a dire de l'annexion par un royaume continental d'esprit d'une Normandie maritime par essence... Paris a « oublié » les îles en 1204, parce que les français ignoraient la réalité maritime. La France a perdu devant le Tribunal International de La Haye en ce qui concerne les Minquiers et les Ecrehous parce que ses juristes, notoirement insuffisants en matière de droit maritime, ont été surclassés par les spécialistes en Droit Normand que les britanniques ont eu l'intelligence de mettre en avant !

Oui le jugement de la Cour de La Haye est inique.
Mais à qui la faute ?
Grugés à La Haye, évincés des Minquiers et des Ecrehous, les Normands du continent sont en plus méprisés par Paris.
Voilà la réalité ! Et tant que nous n'exigerons pas que la Normandie soit réunifiée et puisse, de ce fait, prendre en mains son destin, nous connaîtrons des désastres.

Prenons-nous le chemin d'un réveil de la Normandie ?
Nos régions, puisqu'il faut parler au pluriel, sont-elles à même, de profiter de l'émergence du pouvoir régional, depuis les fameuses Lois Déferre de 1982 ?
La réponse est non !
Et ce pour deux raisons :
– les responsables régionaux, depuis 1982, n'ont pas su, ou n'ont pas voulu coordonner leur action. Les contrats de plan État-Région qui ont été signés l'ont été sans concertation entre l'Abbaye aux Dames et la Caserne Jeanne d'Arc. Cette situation est déplorable. Elle livre la Normandie aux appétits boulimiques du Grand Bassin Parisien qui, dans son contrat de plan inter régional inclus intégralement la Normandie.
– la première mouture du projet de loi sur l'aménagement du territoire est une régression de vingt ans. La région, dont les français pensent que c'est l'échelon où doit s'organiser l'aménagement du territoire, se voit dépouillée de ses prérogatives et, surtout, de ses moyens financiers qui sont transférés aux départements.

Voilà la grande réforme Pasqua !

Croyez-vous qu'avec cela la Normandie va redevenir la communauté vivante, dynamique que nous appelons de nos vœux ?

Croyez-vous que les Normands seront mieux défendus par de petits chefs de chefs-lieux de canton n'ayant d'autre ambition que leur réélection, d'autre action que l'assistanat social intéressé, d'autre vision d'ensemble que celle de l'arrondissement sur lequel régnera un sous-préfet aux ordres ?

La réforme Pasqua, c'est la revanche du corps préfectoral et de la multitude des petits potentats qui laissent l'État totalitaire gérer les vraies affaires. Pouvons-nous nous satisfaire de la manière dont l'État central a su défendre les intérêts Normands en générai, des marins-pêcheurs en particulier ?
Didier Patte

vendredi

Runes : Mars 1994


Le sens d'un combat


... Yves LESSARD

D'un combat pour la Normandie, bien sûr !

Combat serein dans lequel la meilleure arme réside dans la force des convictions qui nous animent.

Conviction que la Normandie dispose des ressources intellectuelles et matérielles suffisantes pour permettre l'épanouissement de la personne humaine.
Conviction que nous sommes les héritiers d'une tradition que nous avons le devoir de conserver, d'approfondir et des transmettre à nos enfants.
Conviction que le véritable universalisme suppose une parfaite connaissance de soi-même et des siens.

Depuis longtemps, la Normandie est victime, comme beaucoup d'autres régions françaises, d'une émigration massive. Il en résulte un véritable écrémage de la population normande.

L'agriculture demeure une activité régionale essentielle, la façade maritime offre des possibilités de développement encore mal exploitées, l'industrie est essentiellement une industrie de main d'œuvre.

Autant de caractères propres à l'économie normande qui réclament l'adoption de mesures particulières. Mais comment faire lorsque l'on sait la dépendance étroite de notre économie régionale vis-à-vis de l'extérieur. Les centres de décision des entreprises normandes ont quitté la région comme le montre la localisation des sièges sociaux.

La culture normande ne peut se développer que dans une Normandie prospère. En période de déclin économique, la création culturelle est à peu près impossible. Devons-nous limiter notre action à la défense et l'illustration du passé, si brillant soit-il ?
Nous ne pouvons accepter que la culture normande, qui a si profondément marqué l'Occident, soit ravalée au rang de « culture musée ». Nous ne voulons pas être seulement les conservateurs de la culture de nos pères. Le développement culturel est lié en grande partie au développement économique. Mais pour parvenir à redonner à la Normandie confiance en elle-même, il faut entreprendre une action résolument volontariste.

À quoi bon réagir ? De nouvelles sources de richesses sont apparues et la Normandie n'a pas été favorisée !
C'est oublier un peu vite que l'économie d'aujourd'hui – et celle de demain encore davantage – est le résultat du travail et du génie de l'homme. D'autres régions ont mieux su tirer profit des mutations de notre temps.

Nous avons choisi de nous battre car justement nous ne sommes pas résignés. Nous savons que nous ne sommes que les maillons d'une chaîne qui se poursuit de génération en génération. Nous n'avons pas le droit de lâcher prise, ce serait trahir.
Il se trouve que nous avons compris la nécessité d'une action vigoureuse de renouveau, pour la Normandie. Nous avons entrevu des solutions.

Désormais il nous faut continuer le combat.

Le résultat sera à la mesure de notre travail et de notre intelligence mais il est vain de croire que nous puissions renoncer.
Mais la prise de conscience régionale à laquelle nous appelons nos compatriotes normands ne saurait servir de prétexte à une attitude de repli sur soi. C'est au contraire la méconnaissance de nos origines, la négation de notre identité, l'appauvrissement de notre région, l'effacement de notre culture, qui conduisent aux réactions conservatrices et xénophobes. C'est avec la grande tradition normande, celle des fondateurs de la Duché, celle des conquérants de l'Angleterre et de la Sicile, celle des pionniers de la Nouvelle France qu'il nous faut renouer.
Tout cela demeure possible. Nous en avons la certitude. Tel est le sens de notre combat.
Yves LESSARD
3 avril 1981
Haro Nouvelle série N° 1

Fédération du Grand Rouen du Mouvement Normand

Le 29 octobre dernier, à la Halle aux Toiles de Rouen, est née officiellement la Fédération du Grand Rouen du Mouvement Normand.

Si l'idée de fédérations n'est pas nouvelle au Mouvement Normand, la constitution d'une cellule active pour y parvenir est récente : il y a moins d'un an que ses plus jeunes recrues, animées par un sentiment d'urgence, ont rejoint les rangs du Mouvement, apportant une indispensable base militante, et ce au moment même nous perdions des membres prestigieux.
Ces hommes, précieux tant pour nous que pour la Normandie, nous manqueront cruellement dans un proche avenir, mais déjà, une relève est assurée par un sang neuf, où brûle le feu de la jeunesse. Le fait que ce soit à Rouen qu’est née la première fédération n'est pas le fait du hasard. Rouen, menacée dans son identité régionale par le Glouton Bassin Parisien, risque de perdre son âme normande dans le béton francilien. Nous ne nous faisons pas d'illusions. Si Rouen devenait, comme d'autres l'ont déjà prévu pour nous, le vase d'expansion de Paris, ce serait la moitié de la Normandie qui cesserait d'être Normande.
Affirmer l'identité Normande, réveiller le sentiment d'appartenance régionale chez nos compatriotes, faire de Rouen, et de ses alentours, un Château Gaillard d'où nous pourrons nous affirmer « Héritiers de la millénaire Normandie », « Sire de seï », c'est, ni plus ni moins, une question de vie ou de mort pour la nation Normande. Face à ce sombre avenir, une lueur d’espoir : déjà avant même la naissance de la Fédération, de jeunes ouvriers et étudiants rouennais se sont constitués en équipes. De la Bresle au Couesnon et de l'Epte à Aurigny, de jour comme de nuit, ils sacrifient à la Normandie, donnant de leur personne, de leur courage, de leur énergie, pour des actions sur le terrain pour des diffusion de tracts, collages d'affiches et animations culturelles où ils peuvent être présents. Mais ça ne suffit pas ! Ces jeunes militants qui se sont placés d'autorité en première ligne, ne peuvent rien s'ils ne sont soutenus par des arrières solides. La portée de leur action dépend du nerf de la guerre : l'argent
Nos campagnes d'affichage se heurtent à l'adversité, d'une part, mais aussi au soin consciencieux des « services » publics : nettoyage municipal et police. Il nous faut redoubler notre effort. C'est pourquoi nous avons besoin de votre soutien :
- un tract coûte 26 centimes,
- une affiche coûte 80 centimes,
la volonté et le courage ne manquent pas, mais pour assurer le succès d'une seule campagne il faut mettre les quantités en rapport avec nos ambitions.

Tout don, même minime, de votre part, sera pour nous le meilleur des encouragements.
De vos efforts d'aujourd'hui dépendent nos succès de demain.
L.Vary

Métropoles, régions, Etat ...

De scandales politiques en scandales financiers, de fausses factures en vraies affaires, c'est à l'essence même de nos peuples que les politiciens s'attaquent en glissant sur un pas de corruption. Du Palais Bourbon à l'Élysée, un seul mot d’ordre : « un pour tous, tous pourris ! »

L'agriculture sacrifiée sur l'autel du GATT pour sauver une hypothétique vente d'Airbus ; la pêche vendue aux intérêts des groupes alimentaires multinationaux ; le patrimoine culturel sacrifié, comme à Rennes, pour effacer quelques dossiers douteux dont on espère que si des doubles existent, on saura tout aussi bien trouver quelque vice de forme salutaire ... Les vraies-fausses valeurs de notre fin de siècle, défendues par de petits maîtres à penser, laissent remonter un goût amer dans la bouche du citoyen honnête qui aimerait pouvoir encore croire au système, malgré deux cent mille chômeurs en Normandie, et combien d'autres demandeurs d'emploi, de stages de conversion, de SIVP, TUC, CES et autres cache-misère ?

Avec un Déménagement du Territoire qui rattache Caen à Nantes, Rouen à Lille, la haute Normandie aux Hauts-de-Seine et refuse définitivement la vocation maritime de notre région, le cavalier Destouches pouvait répéter que l'histoire ne repasse pas les plats : colonisée, spoliée, niée depuis Philippe Auguste, la Normandie est l'exception qui confirme cette règle. L'on nous dira que les assemblées régionales de basse et de haute Normandie ont pensé des MATHILDE et des PRAT qui ont pour mérite de laisser béats ceux qui les ont élaborés. Beaux projets non complémentaires, donc incomplets et vides de sens. Belle démonstration de jacobinisme de village : hors de Caen et de Rouen point de salut ! La Normandie est malade du SIDA centralisateur, ses symptômes sont : chômage, récession, surendettement des ménages et des entreprises, problèmes de banlieues.

Alors signer un onzième plan, oui mais pour quoi faire ?
Avoir une vision d'ensemble de ce que veut le Grand Bassin Parisien cornaqué par l'Ile de France ? Le G.B.P. ne sait toujours pas dire ce qu'il veut.
Signer des avenants aux programmes de communication que le dixième plan n'a pas réalisé ? Obtenir que la région continue de payer ce que l'État ne peut plus honorer : un milliard pour une université qui fera des demandeurs d'emploi de niveau bac + 2 sachant mieux calculer leur quatre-vingts pour cent de « SMIC jeune(s) » ? Nous ne voulons pas que les composantes essentielles de notre Normandie soient tripatouillées au profit de petits messieurs qui font passer leurs préférences énarchistes avant de se consacrer optionnellement au « bien public ».

Si leur problème est de savoir comment durer, le nôtre est de réussir à être et à faire reconnaître ce que nous voulons être.

Rouen - Caen - Le Havre, c'est Normandie Métropole, et si l’essai semble timide ne nous aveuglons pas en le comparant aux poudres aux yeux électoralistes : l'idée est bonne et nous nous réjouirons encore plus lorsqu'elle aura abouti !
Déjà, Southampton, Poole, Bournemouth et Portsmouth se constituent en réseau de villes et c'est le South Coast Métropole, pendant naturel de l'initiative normande, qui vient constituer un Axe de la Manche culturellement incontournable. Bien qu'il s'agisse encore d'aménagement du territoire, ceci est d'une autre portée que la gestion médiocre d'intérêts parisiens : c'est la reconquête d'un espace privilégié entre communautés jumelles ! Nous laissons bien volontiers aux spécialistes la conduite de ce développement, notre combat étant depuis toujours celui de l'affirmation de la persistance d'un tempérament normand qui nous est spécifique. La Normandie est fille de la mer, et tout ce qui saura nous ancrer dans notre réalité sera bienvenu. Mais sachons aussi montrer notre volonté d'être et d'affirmer ce que nous sommes et, surtout, ce que nous ne voulons plus tolérer :

– les compromissions, les attentismes, vis à vis d'une Ile de France qui nous méconnaît autant qu'elle méprise l'idée que nous puissions encore exister !
– les faux semblants de richesses, hérités des meilleures périodes de notre asservissement aux intérêts alimentaires de la capitale ! Si nos élus oublient ces exigences, à nous de leur montrer comment nous considérons leur veulerie.

Nous n'oublions pas que c'est à nous, Normands, de défendre les valeurs essentielles qui caractérisent notre peuple.
Gilbert Crespin