On trouvera ici, pour l'heure, les textes de Runes-Lettres d'O.D.I.N.
qui, à terme, seront complètés des réflexions du groupe de
travail de l'O.D.I.N.-76, de sa création jusqu'à sa dissolution en 1996.



mardi

RUNES Hors-série n°1



ÉDITORIAL

... de Jacques TRICOT

«Les Baltes, et tout particulièrement les Estoniens et les Lettons sont des Normands ; et ce que vous ne savez sans doute pas, c'est qu'ils en sont particulièrement conscients. Tallinn, cela veut dire « la ville des Danois » et ce n'est pas un hasard, quand j'en ai parlé au ministre estonien de la culture, le compositeur Lepo Sumera, (s')il s'est montré tout à fait d'accord...

Les Normands dorment-ils ?
La Normandie est-elle définitivement plongée dans une sorte de léthargie ?
On pourrait le croire…

Les Normands, qui se proclament avec fierté « sire de seï », sont-ils devenus de vagues sujets, tout juste bons à être colonisés par l'administration de la puissance occupante ?

À l'heure où tes Lituaniens n'hésitent pas à dire à Mikhaïl Sergueivitch Gorbatchev ce qu'ils pensent de la colonisation russe, et envoient au Soviet suprême des députés qui n'hésitent pas à mettre les pieds dans le plat sans aucune gène ni hésitation, les Normands se contentent de déléguer à la soi-disant « assemblée nationale » un ramassis de « béni-oui-oui », dont on attend encore qu'ils élèvent quelque peu la voix pour défendre, ne fut-ce que timidement les intérêts de leur pays.

Les Pays Baltes ont réussi à ne pas être russifiés, ni par les Tzars, ni même par Staline qui ne lésinait pourtant pas sur les moyens, alors que les Normands s'en trouvent réduits à quémander aux technocrates snobinards parisiens le droit d'être eux-mêmes.

Les Pays Baltes ne sont pas un sujet qui peut nous intéresser de loin, mais bien au contraire, être au premier plan de nos activités. »

« UNITÉ NORMANDE n° 142- 01:1991 »
« UNITÉ NORMANDE n° 144- 03:1991 »

DAVANTAGE DE CULTURE !
DAVANTAGE DE CULTURE EUROPÉENNE
SOYONS DES ESTONNIENS, MAIS DEVENONS AUSSI DES EUROPEENS !
Gustav SUITS

Remarques liminaires à l'histoire des peuples Baltes

Reportons-nous, si vous le voulez bien, en Europe, entre 6500, et 3800 av. J.-C.. Sur leurs terres isolées du mouvement néolithique, dans les plaines péri baltiques, polonaises ou russes, les mésolithiques poursuivent leur vie traditionnelle : pêche, cueillette, petit artisanat, activités compatibles avec les déplacements fréquents… Le jardin d'Éden. Nos bons hommes, ainsi que leurs familles vivent une société de loisirs, deux ou trois heures de travail quotidien suffisent à satisfaire leurs besoins élémentaires. Vision qui pourrait susciter bien des regrets chez les inconditionnels du retour à. la nature, si leur aire de dispersion n'avait été envahie, vers -5 800.
C'est vers cette période que, depuis le Danemark jusqu'en Silésie, apparut un peuple nouveau, dont nous gardons la trace par ses sépultures individuelles où se retrouvent des gobelets à col en entonnoir. Ce peuple qui a des affinités avec le groupe sud-ukrainien d'lgren, jouera par la suite en Allemagne du Nord et au Danemark un rôle considérable. Dans leurs premiers dolmens on trouvera des gobelets, puis les dolmens se compliqueront de couloirs pour aboutir à. des constructions comme celle de Stonehenge. On reconnaitra par la suite de plus belles poteries et de magnifiques armes de silex qui se révèlent, sans que l'on puisse s'expliquer comment, sans aucune influence occidentale au méridionale...
Au cours de la seconde moitié de ce néolithique « moyen », donc à peu près en même temps que se développe cette civilisation de bâtisseurs de dolmens, et comme rien n'est simple déjà, malgré l'époque, la civilisation locale ressurgît des profondeurs de son mésolithique. Ces «sauvages » avaient tout simplement continué de vivre en marge du « progrès » ; ce type de comportement n'est pas exceptionnel puisqu'il a déjà été constaté que certaines sociétés, « ilots rétrogrades », refusaient le cuivre alors que tous ceux qui les entouraient en avait adopté la pratique. Des mésolithiques, donc, ressurgissent dans le domaine péri-baltique, (dwelling place culture) et pratiquent la chasse et la pêche au milieu d'autres groupes réputées plus évolués.
L'Allemagne de l'Ouest constitue, de son côté, un dangereux champ de bataille où s'affrontent les hommes des allées couvertes et ceux qui ensevelissent leurs morts dans des caissons à campaniformes, repoussés, les uns et les autres, par d'autres peuplades qui pratiquent la céramique cordée, que l’on croit reconnaître comme indo-européennes, et enterrent leurs morts dans des sépultures individuelles, mais sous tumulus (civilisation dite de KURGAN).
Malgré toutes ces différences, la société néolithique est une société fondamentalement agricole, organisée autour de villages, où l'on pratique l'essartage sur les forêts environnantes. Ces sociétés, réputées égalitaires et peu hiérarchisées, sont remarquables pour leur absence de préoccupations militaires : l'espace ne semble manquer pour personne, et il faudra vivre à la fin du néolithique pour que succèdent au culte des fontaines, des roches, des ancêtres ou du soleil, des habitations vastes, temples ou palais, que se construisent des tombes princières où s'entasseront pêle-mêle la dépouille du guerrier, ses armes, parfois les siens; le plus souvent victimes de mort violente.
Aux langues finno-ougriennes attribuées au néolithique, succéderont, vers -4500 -3800, les indo-européennes infiltrées en Europe par l'Ukraine, représentées par le chalcolithique.
Les grands cro-magnoïdes du mésolithique, qualifiés de proto-europoïdes ou proto-nordiques, sembleront remplacés par de nouveaux occupants, sauf au Nord de l'Europe, mais ressurgiront à la fin du néolithique au Danemark et en Suède, puis gagneront les régions Rhin-Danube, les îles Britanniques, la Bohème-Moravie, le Rhône.
Pour le peu de traces qu'elles nous fournissent, on peut malgré tout imaginer que les vieilles civilisations, oubliées par les migrations, se sont consolidées à l'écart de l'intérêt des nouvelles et que, discrètement, elles ont su prendre un véritable essor démographique. Toutes les ethnies européennes actuelles se sont trouvées formées dés le chalcolithique, et seule leur répartition géographique a varié sensiblement par la suite.
François DELAUNAY.


Les Baltes premiers européens d'Europe ?


La plupart des langues européennes, à l'exception des langues finno-ougriennes : basque, hongrois, lapon, finnois et estonien, présentent entre elles, tant dans leur grammaire que dans vocabulaire, des correspondances si évidentes et si nombreuses qu'il n'est possible de les expliquer que par une origine commune, en l'occurrence indo-européenne.

L'étude sémantique de ces similitudes peut être appliquée avec succès à l'identification et à l'analyse d'autres familles linguistiques : sémitique, bantou, altaïque et cetera... l'ensemble de ces études ouvre la voie de la paléo-linguistique.

Si les Baltes, dont la présence en Europe est attestée depuis le second millénaire avant J.-C., semblent faire figure de « grands ancêtres » de la famille des langues indo-européenne, leurs voisins finno-ougriens représentent une civilisation plus vieille d'un millénaire, contemporaine et voisine de celle qui éleva les menhirs et dressa les dolmens. Les langues finno-ougriennes actuellement reconnues étant le suomi, le carélien, l'este et le hongrois, on constatera, premièrement, que les Pays Baltes n'ont ni unité ethnique, ni linguistique puisque l'Estonie appartient à un groupe autre que le letton et le lituanien apparentés au groupe balte dérivant de l'indo-européen ; secondairement, que si les histoires respectives sont parallèles les caractères restent distincts, les réactions face aux évènements nous paraissent similaires et que c'est ailleurs qu'il faudra aller chercher les raisons de l'apparent « front commun » pour la survie des « Pays Baltes ».

Le groupe indo-européen des langues « germaniques » comportant trois subdivisions, l'orientale – gotique – la septentrionale – islandais, norvégien, suédois, danois – et occidentale – haut et bas allemand, frison, anglais – succéda plus tard sur les territoires de l'Europe centrale aux précédents occupants qui furent rejetés sur les périphéries. Ces mouvements qui sont le fond de notre histoire européenne au moyen-âge en expliquent d'autres plus récents : tensions ou éclatements contemporains abondent, que nombre de commentateurs cherchent à nier en imposant un postulat uniquement économique. Bien que nous soyons plus sensibles aux faits qui se sont déroulés à l'Ouest de notre continent, l'exemple Balte est riche d'enseignements pour ceux qui prendront la peine de s'y attacher. C'est au travers d'un filtre « exotique », sur des bases, sinon identiques, trop proches dans la durée et par le tempérament des hommes, une manière exemplaire de poser un regard neuf sur nos origines, notre passé et notre devenir européen.

Par ce fil conducteur, puissions-nous être en mesure, sereinement, de réviser nos aprioris quant à nos relations, en qualité de Normands, vis à vis de la France ou de l'Europe.


O.D.i.N-76

Une simple histoire de Baltes

Bien que l'histoire proprement dite des pays Baltes ne commence qu'au XIIème siècle, avant cette période existe une documentation, assez pauvre et essentiellement archéologique.
La différence des états Baltes repose essentiellement sur la linguistique où deux groupes prédominent :
– les finno-ougriens, composés des Lives du Golfe de RIGA, les Ingriens du lac Peïpou et les Estes du golfe de Finlande dont le peuplement se situe au début de l'ère chrétienne. Cependant le caractère primitif des Estes et des Lives – pauvreté du vocabulaire et absence d'organisation politique – a entraîné le remplacement des tribus finno-ougriennes les plus méridionales par les Baltes.
– les Baltes représentés par trois rameaux indo-européen :
Les Prussiens ; les Lettes, Coures, Sémigalliens et Letgalliens ; les Lituaniens.
Leur présence est plus ancienne puisqu'elle est attestée au second millénaire avant J.-C., ce qui fait des Baltes l'un des premiers peuples européens connus.
Loin de Rome, le commerce crée l'histoire. Les connaissances romaines sont pratiquement nulles, les AESTI, dont parle Tacite, ne désigne que l'ensemble des peuples vivant à. l'Est de la Germanie.
TALLINN: (Estonie) La ville doit son nom « ville danoise » à la conquête, en 1219 par le roi du Danemark, Valdemar II, d'une ancienne forteresse surveillant un port dont le destin allait se confondre avec celui de la Hanse jusqu'à ce que la cité commerçante adopte la religion Réformée et se place, en 1561, sous la protection de la Suède. Arrachée en 1710 par Pierre le Grand qui y fonde un port de guerre, Tallin devient une sorte d`avant port de Saint-Pétersbourg, se substituant à ce dernier lorsque la glace interdit l’accès des bouches de la Neva.
Les scandinaves dès le VIIème siècle, créent une thalassocratie, puis évangélisent le pays des Lettons, sur le fleuve DVINA, inaugurent un développement économique précoce. Au IXème siècle les liens commerciaux avec les Ostrogoths sont renouvelés avec les Varègues qui étendent leurs relations jusqu'à BYZANCE et BAGDAD.
Malgré tout au XIème siècle le pays Letton est encore à l'âge du fer et se compose d'une demi-douzaine de principautés où le catholicisme pénètre lentement jusqu'au XIIIème siècle. S'organisent alors des croisades et des colonisations qui sont autant d'entreprises politiques et militaires.
La poussée allemande correspond à l’expansion économique et maritime de la HANSE. En 1201 Albert de BUXHÖVDEN crée RIGA et y Installe des bourgeois de BREME. En 1204, il crée l'ordre du PORTE-GLAIVE : la Foi est imposée par l'occupation et provoque des soulèvements comme celui de l'île d'Oesel qui sera écrasé avec l'appui du roi de Danemark.
RIGA : (Lettonie) Fondée en 1201 par Albert de Buxhövden, d' abord port hanséatique avant de devenir avec Tallin et Vyborg une des villes fortes interdisant l'accès de la Baltique aux Russes. Enlevée par les troupes de Pierre le Grand en 1721, la ville vit son commerce décliner du fait de la concurrence avec Saint-Pétersbourg et de sa situation de ville frontière avec la Pologne.
Le PORTE GLAIVE voit sa progression vers l'Est stoppée en 1242 Par Alexandre NEVSKY au lac Peïpous (Eisenstein fait une erreur communément admise en décrivant les TEUTONIQUES).
Le développement du commerce enrichit les villes qui sont, de fait, des principautés allemandes mais ruine les propriétaires ruraux ; on assiste à un transfert des terres au profit d'une nouvelle aristocratiques bourgeoise de colonisation.
Les lituaniens résistent aux TEUTONIQUES, au XIIeme siècle, Mindogas, chef des tribus païennes, profitant de l'instabilité des principautés progresse à l'Est. Ses successeurs, convertis au catholicisme, seront, au XIVème siècle, à la tête d'une fédération de peuples à majorité ruthène et orthodoxe dont les territoires iront jusqu'à la Mer Noire. En 1386, l'un d'eux, Jodaïla, épouse Edwige héritière du roi de Pologne et le Grand Duché de Lituanie atteindra son apogée au XVème siècle à TANNENBERG (1409) en repoussant l'Empereur et les Teutoniques.
PORTE GLAIVE : créé en 1202 par Albert de Buxhövden, évêque de Livonie. Celui-ci venait de fonder la ville de Riga et institua cet ordre pour évangéliser la Livonie alors païenne. L'ordre du fusionner avec les Teutoniques en 1234. En 1525 le grand maître de l'Ordre Teutonique opta pour la Réforme ce qui entraîna là recréation du Porte Glaive qui se maintint jusqu'en 1561.
Le XVIème siècle voit la prépondérance polonaise, mais la majorité des lituaniens est restée païenne, et beaucoup de nobles lituaniens se tournent vers le Tzar. Devant ce danger le traité d'union de LUBLIN, en 1569, marquera la fusion de la Pologne et de la Lituanie.
La Réforme touche les villes, en 1587, un livre de psaumes est rédigé en letton. La Contre-réforme utilisera les langues lettonne et lituanienne dans ses collèges et à l'université de Vilnius. Paradoxalement allemands, suédois et polonais sont à l'origine de la littérature écrite Balte.
Les suédois maintiennent leur domination sur l'Estonie et la Livonie, en 1662 ils fondent l'université de TARTU. Mais la rigueur de cette suzeraineté entraîne la réaction des barons baltes attachés à leurs privilèges exorbitants. En 1709, lorsque le Tzar envahit la Livonie il sera accueilli par la noblesse locale comme un libérateur.
Les droits des barons sont rétablis ce qui provoque l'exaspération des paysans, à tel point que HERDER et MERKEL – philosophes allemands – découvrent le nationalisme au travers du problème social Balte.
La révolution libérale russe de 1830 accélère le réveil national Balte. La révolte lituanienne reste cependant le fait de la noblesse, de la bourgeoisie et du clergé « polonisés ». La répression s'attachera donc à « dépoloniser » le pays mais renforcera le sentiment de triomphe du nationalisme lituanien, malgré la fermeture de l'université de Vilnius.
En Estonie et en Lettonie le pangermanisme des barons entraîne la russification de Taitu.
Au début du XXeme siècle la russification devient une manifestation d'hégémonisme orthodoxe.
L'essor industriel cause l'exode rural, l'arrivée des populations dans les villes favorise le développement du nationalisme : Riga devient lettonne. La révolution russe de 1905 permet la renaissance littéraire Balte.
Après l'invasion allemande de 1915, le traité de Brest-Litovsk, en 1917, consacre l'occupation des Pays Baltes, mais les projets allemands soulèvent l'opinion internationale. Lorsqu'au lendemain de l'armistice le général van der Goltz commettra un coup d'État contre le gouvernement Letton et, en bombardant Riga, la résistance des Baltes sera redoublée.
En 1920 les États Baltes sont reconnus de facto. Mais le flux et le reflux des armées allemandes et soviétiques, le départ des capitaux russes provoquent l'anéantissement de la vie industrielle et commerciale,
Une alliance lituano-russe est constituée pour récupérer Vilnius, mais la conférence internationale de 1923 confirme les frontières de 1920. L'instabilité ministérielle et la lutte contre le bolchévisme conduisent en 1926 à la dictature ; la réorganisation sociale et économique s'appuie sur la réforme agraire et le morcellement des grandes propriétés.
MEMEL : (Lituanie) L'histoire de la ville et du territoire de Memel est étroitement liée à celle du flux et du reflux du germanisme dans les Pays Baltes. Fondée en 1252 par les chevaliers du Porte Glaive, sous le nom de Neu Dortmund, érigée en ville en 1254, Memel devient possession de l'évêque de Courlande ; en 1328, elle passe au domaine de l’Ordre Teutonique. Devenue, de ce fait, prussienne, elle le restera jusqu'au 10 septembre 1920.
Fin 1938, le IIIème Reich pose le problème du rattachement de MEMEL alors sous administration lituanienne. Pour preuve de leur neutralité les trois États Baltes signent en 1939 un pacte de non-agression avec l'Allemagne Mais la signature, dès août 1939, du pacte germano-soviétique livre les trois États à l'U.R.S.S.. Cette dernière leur imposera, devant le danger nazi, en 1940, un traité laissant le champ libre à la résidence de ses troupes. Le 21 juillet 1940 les parlements, hâtivement élus, où dominent les communistes, décident la soviétisation et le rattachement des trois pays à l’Union ; commencera alors la liquidation physique des opposants, exécutions, déportations, pillages massifs qui ne seront interrompus que par l'arrivée des allemands en juin 1941.
Des gouvernements provisoires sont formés, mais l'échec de la politique de collaboration et l'organisation de la résistance conduisent au rattachement des Pays Baltes à la Biélorussie sous le nom d'« Ostaland ». La progression des armées soviétiques à partir de 1944 rétablit le statut politique de 1940 dans les trois pays.
La Lituanie, la Lettonie, l’Estonie forment les 16e, 17e et 18e Républiques Soviétiques Socialistes de l'Union.
D'après la constitution soviétique, chaque république jouit de son autonomie politique et culturelle ; en Lituanie, en 1945, cinq commissaires sur onze étaient russes sous des noms lituaniens. En réalité le Parti Communiste, dont les cadres supérieurs sont russes, contrôle toute la vie politique, économique et culturelle du pays.
La « dékoulakisation », ou démantèlement des propriétés, conduit à la prolétarisation des campagnes, la résistance à la russification et à la collectivisation provoque la fuite de la main d’œuvre ; l'élimination des réactionnaires et des nationalistes laisse apparaître un plan de dépopulation et d'anéantissement du nationalisme Balte ; déportation massive et installation de colons soviétiques, emploi du russe comme langue officielle et lutte antireligieuse.
Jean-François BOLLENS

Les Baltes, Normands de la Baltique


Les Baltes viennent de recouvrer leur indépendance enfin reconnue par l'O.N.U..



Mais, pour des « raisons d'État », la plupart des États occidentaux ont repoussé cette échéance, fatale pour leur intérêts, donc leurs idéaux. Les U.S.A. ont tardé pour ménager une U.R.S.S. que tout le monde savait condamnée à l'éclatement. Le Royaume-Uni a même donné « l'or des Baltes » à l'U.R.S.S. voici plusieurs années, au moment du remboursement de l'emprunt russe. Si la France a conservé l’or que les Baltes lui avaient confié en 1939, – elle l'a d'ailleurs restitué voici quelques semaines – le gouvernement Chirac avait fait raser les locaux diplomatiques lituaniens à Paris en 1974.
Si la plupart des États européens se sont montré d'abord réservés quant à cette indépendance, cette inertie diplomatique ne fut pas générale. En 1990, l'Islande fut la première à reconnaître l'indépendance de la Lituanie, elle fut ensuite confortée par le Danemark, puis l'Allemagne, membres de la C.E.E..
Pourtant, alors que l'État jacobin français se montrait timoré, tant sur les raisons de l'indépendance balte, que sur les chances de Gorbatchev de se maintenir à la tête de l'U.R.S.S., des encouragements se faisaient entendre. C'est le cas du Festival du Cinéma Nordique, qui s'est tenu à Rouen, en 1990, où la Lituanie fut invitée. Son drapeau a flotté dans les rues de la capitale Normande.
La Normandie, alors que les pays baltes s'agitaient, a fait entendre sa voix, une voix originale, différente de celle du soi disant « peuple français ».
Et ce n'est pas par hasard, nostalgie de l'appartenance ethnique, culturelle et historique au monde nordique, les normands ont spontanément pris fait et cause pour ces peuples baltes, catholiques ou évangéliques, luthériens, teutons, finnois, scandinaves, voire polonais, que sont l'Estonie, là Lettonie et la Lituanie.
Il existe de nombreuses analogies entre les pays Baltes et la Normandie : bâtards isolés du monde nordique, soumis à l'influence d'autres civilisations, légères différences ethniques, dialectales...
Les Normands doivent, s'ils veulent préserver le peu d'originalité qu'il leur reste, s'inspirer de l'exemple Balte. Comment, par exemple, face à l'uniformisation d'un pouvoir central, un peuple peut faire entendre sa voix, démocratiquement, lors d'élections, alors qu'il est devenu minoritaire sur son propre sol ? Si la Lettonie est majoritairement peuplée de Slaves, la Normandie est maintenant majoritairement peuplée d'horsains.
Cependant, la Lettonie a remporté son bras de fer face à Moscou.
Pourquoi les Normands seraient-ils incapables de se faire entendre ?
Normand ! Sois toi-même.
Refuse l'assimilation au modèle culturel français.
Redécouvre l'identité Normande !
Lev EFELLERGIS

Cinquante ans de luttes

Si l'annexion des pays Baltes par l'Empire Soviétique fut un fait historique incontournable, sa valeur face aux principes du droit international n'en demeure pas moins contestable. Forte de la place qu’elle tient au Conseil de sécurité de l'O.N.U., l'U.R.S.S. a pu se préserver des sanctions qui auraient du accompagner cet acte illégal. Seule là volonté farouche de Nations conscientes de leur identité a permit aux États Baltes de faire valoir leur droit à exister souverainement.
Le partage d'un butin
La signature du Pacte Germano-Soviétique, le 23 août 1939, par Ribbentrop et Molotov avait comme vocation principale la ratification d'un accord de non-agression entre deux puissances régionales dont nous savons ce qu'il adviendra Mais pour asseoir ce principe, il fallait définir les zones d'influence respectives sur une région où les signataires étaient en concurrence. Ce sera l'objet d'un protocole, tenu secret, abandonnant l'Estonie et la Lettonie aux Russes et la Lituanie aux Allemands. C'est seulement le 28 septembre 1939 que la soviétisation de cette dernière sera acquise. Une nouvelle convention sera signée : l'Allemagne cède ses « droits » sur la Lituanie contre une rançon de 7,5 millions de dollars-or. II faut rappeler que les républiques Baltes étaient alors souveraines. Seuls les représentants de ces États avaient compétence pour engager, ou limiter, leur souveraineté. De plus cet accord – de par son effet relatif inhérent à toute convention – n'est opposable aux États non signataires. Les soviétiques ne pouvaient donc s'appuyer sur ce traité pour porter atteinte à l'existence de ses voisins. Pour ne pas choquer les pudeurs du droit international des « nations civilisées » il leur fallait donner une façade honorable à une conquête déjà acquise dans son principe.
De la soviétisation au rattachement à l'U.R.S.S.
Fin 1939, les Russes, après avoir obtenu des Baltes un traité d'assistance mutuelle face à la « menace nazie », obtiennent la possibilité de stationner leurs troupes chez les cosignataires En juin 1940, prétextant d'incidents mineurs, l'U.R.S.S. envahit les trois républiques Baltes. En fait d'assistance, il s'agit d'un acte de guerre. Moscou dissout les parlements, fait élire des députés pro-russes. Le 21 juillet, la Diète Lituanienne demande son rattachement à l'U.R.S.S. ; la Lettonie et l'Estonie suivront le même simulacre. La régularité de tels actes n'est pas fondée. D'éventuels « incidents » entre alliés ne peuvent justifier une invasion et ne peuvent constituer de « casus-belli ». Quant à la responsabilité des différents parlements, elle est, évidement, non avenue. L'efficacité de ces actes n'en sera pas moins assurée par la violence de l'occupation des pays et le silence gêné des démocraties occidentales face à leur allié de la seconde guerre mondiale.
Vers une souveraineté recouvrée
Ne pouvant compter sur les vertus du Droit international, les Nations baltes, fortes de leurs identités, profitent de la Glasnost et des faiblesses dialectiques de l'Union pour affirmer une indépendance à laquelle elles n'ont jamais renoncé. Le 16 novembre 1988, le Soviet suprême estonien proclame sa souveraineté et prévoit une procédure de contrôle des lois et actes normatifs de l'U.R.S.S.. Le 18 mai 1989 le Soviet suprême lituanien proclame, à son tour, sa souveraineté, mais allant jusqu'à considérer expressément l'U.R.S.S. comme un état tiers. Le 28 juillet c'est à la Lettonie d’emboîter le pas. Commence alors un formidable « bras de fer » avec Gorbatchev, partagé entre la volonté des Russes à maintenir l'Union et la nécessité des ne pas déplaire aux occidentaux qui redécouvrent les républiques baltes. Le 7 février 1990, le Soviet suprême de Lituanie réaffirme sa souveraineté en déclarant illégale la déclaration d'entrée dans l'Union du 22 juillet 1940.
Cette volonté sera récompensée après l'échec du putsch des « complexes militaro-industriels » d'août 1991 et l'émergence d'un nouveau courant représenté par Boris Eltsine.
Marc LESALIEN

Les littératures Baltes

LITUANIE



Dans la grande principauté de Lituanie, qui s'étendait aux XIV et XVème siècles de la Baltique à la Mer Noire, la langue officielle était le biélorussien, et plus tard le latin. Au XVIème siècle, l’établissement temporaire du protestantisme et ensuite de la Contre-réforme ont amené les auteurs d'œuvres religieuses à s'exprimer en langue vernaculaire.



A côté d'une poésie populaire, dite de servage (celui-ci ne fut aboli qu'en 1861), et qui demeura orale, la littérature écrite ne comporte jusqu'en 1700 que des écrits religieux.
L'élan de libération nationale et sociale déclenché dans la seconde partie du XIXème siècle suscite une vague d'écrivains engagés dont témoigne l'œuvre du poète romantique Mairouis où se déploie l'ensemble des thèmes qu'il porta à leur maximum d'expression.
Après l'indépendance en 1918, les mouvements d'avant garde de l'étranger influencèrent les lettres lituaniennes qui les assumèrent sans infléchir pour cela le génie national. Jusqu'à nos jours, la veine lyrique garde la primauté, ainsi qu'en témoigne le poète lituanien d'expression française Oscar MILOSZ.

 

LETTONIE



Après une exubérante floraison de chants populaires, la domination allemande qui s'étend sur la Lettonie au XIIIème siècle, la conversion et la germanisation des habitants empêchèrent l'évolution normale de la littérature â partir de ce tuf initial.



Il s'en suivit que la littérature lettonne ultérieure, qui demeura pratiquement orale jusqu'au XIXème siècle, apparaît comme une tentative de pallier cette rupture et de rétablir une continuité avec les traditions et le folklore qui étaient ceux des premiers lettons.
Au XIXème siècle, le « réveil national » suscita des œuvres qui, tout en s'inspirant des sources populaires anciennes, abordèrent des thèmes nouveaux. Après 1850, les écrivains, issus bien souvent des campagnes, s'attachèrent, principalement dans le conte et dans le roman, à décrire la paysannerie : réalisme rustique où l’exigence morale du luthéranisme dominait. Dans les deux dernières décennies, fidèle au réveil national, l'intelligentsia lettonne opposa une vive résistance à la russification du pays entreprise par Alexandre II. Si les changements accélérés que connaissait la société orientèrent alors beaucoup d'auteurs vers un nationalisme puisé aux écoles française et russe, expression de leur adhésion aux idées nouvelles du socialisme, d'autres cependant, davantage poètes, se faisaient les promoteurs des mouvements impressionnistes et symbolistes.
De cette polyphonie littéraire naquit une génération d'écrivains qui régnèrent dans les lettres à partir de l'indépendance de 1918.
Après la seconde guerre mondiale, un certain nombre d'auteurs émigrèrent et inaugurèrent en exil une nouvelle source de création lettonne.

ESTONIE



Si en Estonie, la tradition de la poésie populaire, restée vivante jusqu'à, nos jours, remonte à l'âge du fer et des vikings, les premiers ouvrages imprimés en estonien ne datent que du XVIème siècle.



La littérature estonienne est celle d'une nation d'un million de personnes, parlant une langue finno-ougrienne proche du finnois et incluse tour à tour dans les aires d'expansion des mondes scandinave, allemand et russe. La littérature écrite estonienne ne date que du XIXème siècle, mais son éclosion fut facilitée par l'existence d'une tradition orale d'une exceptionnelle richesse, ainsi que par la fixation d'une langue de référence, celle de la Bible. Les tentatives de russification à la fin du XIXème siècle, ainsi que la réaction qui suivit les événements de 1905 n'empêchèrent pas les écrivains estoniens de se mettre à. l'écoute de l'Europe et de trouver en Finlande un modèle à leurs aspirations. Conséquence de la première guerre mondiale et de la Révolution Russe, l'accession du pays à l'indépendance ouvre un véritable âge d'or des lettres estoniennes, mais la montée des totalitarismes, l'occupation puis l'annexion par l'U.R.S.S., l'occupation allemande et la perte définitive de l'indépendance contraignent finalement à l'exil la très grande majorité des écrivains qui, après l'automne 1944, poursuit son activité à l'étranger. Le renouveau littéraire, qui a suivi en Estonie la fin de la période stalinienne, témoigne pourtant de la vitalité d'un peuple de haute culture, dont il faut regretter que son isolement linguistique et les vicissitudes de son histoire ne lui aient pas encore permis de mieux faire entendre sa voix.